Roy Ayers, de Brooklyn et (surtout) d’ailleurs
Déçu de ne pas avoir pu retenir de place pour le concert de Gil Scott-Heron mardi 28 juillet au New Morning (Liess, veinard !), j’ai sauté sur l’occasion de pouvoir assister mercredi 22 juillet au concert de Roy Ayers, dans l’intimité du Cabaret Sauvage, à la Villette. Ignorant qu’il jouerait à guichet ouvert, j’ai réservé ma place la veille. La salle modestement remplie ne va pas le rester très longtemps. Les spots floraux laissent place à une lumière bluetée qui laisse se dessiner les instruments. On s’impatiente : un peu de boucan nécessaire pour les presser d’envoyer la purée.
Voilà les silhouettes : Ray Gaskins (Sax alto et soprano – joués parfois ensemble ! –, Fender Rhodes, claviers) et Donald Nicks (basse) sont de déjà de vieux compères, le colosse (je pèse mes mots) Lee Pearson à la batterie, John Pressley au chant falsetto, ainsi qu’un autre claviériste, Mark Adams, et un percussionniste Nigérien nommé Udu.
Roy Ayers, l’air de rien, entre papy et Droopy (“You know what, I’m happy”), a besoin qu’on le réveille un brin pour qu’il livre le meilleur de lui-même : après quelques gémissements oscillants entre baîllement et allégresse quasi libidineuse, qu’il prend soin de nous faire répéter, Roy Ayers nous avoue : “I feel fluffy” (ébouriffé, pataud).
Pas de guitare dans la formation : basse cinq cordes, claviers, Fender Rhodes, batterie surpuissante, sax soprano et alto, un percussionniste d’origine nigérienne. Retroussant en saccades ses manches de flanelle d’une chemise dévalant sur un survêtement Puma évidemment dépareillé (autant que les espadrilles, mais là n’est pas le sujet), l’homme caresse d’abord son vibraphone électronique (pour tout dire, il s’agit d’un vibraphone synthétiseur, le KAT : Roy Ayers est à cet instrument ce qu’est Hancock au guitar-synth : un virtuose), avant d’entamer une danse vaudoue souple et ponctuée de coups de mailloches. Toutes ses plus fameuses compositions y passent : un petit Searching, pour aller vers la plus populaire Everybody Loves The Sunshine, Show us a feeling, We live in Brooklyn Baby (changé pour l’occasion en We live in Paris Baby), Running away et sa lancinante onomatopée, tout en tentant des incursions du côté du bop (Night in Tunisia, de Dizzy Gillespie, de la haute voltige).
Un duo de danseurs du collectif “Jeu de jambes”, à la réputation historique puisqu’initiateur du phénomène de rue de danse jazz-rock dans les années 1990, achève de mettre le feu à la scène. On distingue alors mieux le phénomène de bataille de danse tel que l’aborde Vincent Sermet, dont je parlais récemment, dans son étude.
Roy Ayers nous offre deux heures intenses de musique, avec un seul rappel. Croyant à un second rappel, le public manque de créer l’émeute quand les musiciens reviennent eux-même ranger leur matériel. Le concert, sans surprise, était très bon et l’ambiance chaleureuse, excellentissime !
Et puis, passer deux heures à deux mètres de Roy Ayers, qui a connu Fela Kuti, je pense que ça ne s’oubliera pas.
- Discographie
Virgo Vibes (Atlantic) (1967)
Stone Soul Picnic (1968)
Daddy Bug (1969)
Roy Ayers : Ubiquity (Polydor) (1971)
He’s Coming (1972)
Virgo Red (1973)
Change Up the Groove (1974)
A Tear to a Smile (1975)
Red, Black and Green (1975)
Mystic Voyage (1976)
Vibrations (1976)
Everybody Loves the Sunshine (1976)
Lifeline (1977)
Let’s Do It (1978)
You Send Me (1978)
Step into Our Life (1978)
Fever (1979)
No Stranger to Love (1980)
Africa, Center of the World (1981)
Love Fantasy (1981)
Feeling Good (1982)
In the Dark (Columbia) (1984)
You Might Be Surprised (1985)
I’m the One (for Your Love Tonight) (1987)
Wake Up (Ichiban) (1989)
Double Trouble (1992)
Evolution : The Polydor Anthology (Polydor) (1995)
Mahogany Vibe (2004)
Everybody Loves the Sunshine Compilation (2005)
Virgin Ubiquity Compilation (2005)