Gil Scott-Heron, retour du black poet
Après avoir évoqué il y a quelques mois les premiers disques de Gil Scott-Heron, il est temps de revenir sur le personnage à l’occasion de la parution d’un excellent opus, sobrement et modestement intitulé I’m New Here (2010, XL Recordings). Les plus chanceux auront pu arracher leur place pour sa venue au New Morning (la date de 2009 ayant été annulée tardivement pour quelque imbroglio juridique du sieur Scott-Heron) le 10 mai prochain.
Un disque empreint de la même pénombre soul que les premiers albums de Gil Scott-Heron, mais ici l’âge fait son office et plutôt bien. La production fait un usage raisonnable des boîtes à rythmes, lui conférant un aspect parfois très proche des sonorités sud-britanniques du trip-hop. L’écoute de Me and The Devil (qui n’est pas une reprise de Robert Johnson, bien que le thème prête à la confusion) suggère et déclenche un spleen immédiat, que seule la profondeur de la voix tannée de Gil permet de ne pas voir totalement sombrer. Quelques réminiscences d’autres grande figures d’écorchés de la soul et du jazz qui ont brûlé leur vie par les deux bouts tout en survivant magnifiquement (c’en est presque indécent) : Nina Simone, Ray Charles, Ella Fitzgerald, Billie Holiday…
L’intimisme (poussé jusqu’à s’accompagner avec une simple guitare acoustique sur I’m New Here) est l’une des clefs de la réussite de cette production ; il permet à Scott-Heron de se renouveler, de sortir du style plus sophistiqué du tandem formé entre 1970/1980 avec Brian Jackson. On appréciera particulièrement qu’il ait renoué avec l’esprit des Small Talks de 1970. Car Scott-Heron remet quelques points sur les i de ceux qui confondent flow et violence verbale (comme le laissaient déjà transparaître quelques salves acerbes mais justes issues de Message to the Messengers, pénultième album sorti en 1993 “Four letter words or fours syllable words won’t make you a poet, It will only magnify how shallow you are and let ev’rybody know it” – ce qui en français pourrait se traduire par “Balancer des gros mots ne fera pas de toi un poète, ça frappera ton être du sceau de la superficialité, et le fera savoir”. CQFD) : dans la lignée des Last Poets, il n’a pas démérité de son sobriquet de “godfather of rap”.
Une écoute vaut mieux qu’un long monologue de ma part. Quittez vos écrans, allongez-vous et écoutez, abreuvez-vous du sirop mélancolique qui émane de cet excellent disque. Pour qui ne peut bourse délier, l’album est en version streaming sur Spotify.
On murmure même que Gil Scott-heron pourrait faire un passage à l’édition 2010 de Jazz à la Villette !
Et rendez-vous sur Gonzaï pour y lire une excellente chronique musicale de cet ovni musical par Arnaud Sagnard.
httpv://www.youtube.com/watch?v=gbZVdj_d62M&translated=1