André Breton, lieux (1)
André Breton manifestait une fascination pour la Porte de Saint-Denis, toujours intacte aujourd’hui alors qu’elle apparaît décalée, contingente, “inutile” pour reprendre son épithète, au milieu d’un Paris architecturalement assassiné (quoique le quartier ne soit pas un des pires exemples). En effet, son imposant arc de triomphe n’occupe aujourd’hui plus aucune position stratégique et n’en constitue plus une voie de communication. Elle n’en constitue pas non plus un objet qui détourne Breton d’une marche possédée, d’une dérive symptomatique.
Je reviendrai sur ce lieu avec un autre extrait de Breton. Voici pour l’instant ce qu’il en écrit dans Nadja (1928, revu en 1962).
“On peut, en attendant, être sûr de me rencontrer dans Paris, de ne pas passer plus de trois jours sans me voir aller et venir, vers la fin de l’après-midi, boulevard Bonne-Nouvelle entre l’imprimerie du Matin et le boulevard de Strasbourg. Je ne sais pourquoi c’est là, en effet, que mes pas me portent, que je me rends presque toujours sans but déterminé, sans rien de décidant que cette donnée obscure, à savoir que c’est là que se passera cela ( ?). Je ne vois guère, sur ce rapide parcours, ce qui pourrait, même à mon insu, constituer pour moi un pôle d’attraction, ni dans l’espace ni dans le temps. Non : pas même la très belle et très inutile Porte Saint-Denis.”