Jaime Semprun (1947 – 2010)
Mais quelques livres existent qui permettent d’apercevoir, comme en moins grand nombre certaines rencontres, un monde plus abouti que l’infecte décomposition présente.
Jaime Semprun s’est éteint le 3 août 2010, dans la discrétion qui caractérisait sa vie. Fils de l’écrivain Jorge Semprun, il fut l’un des derniers collaborateurs de Guy Debord, participa au catalogue Champ Libre en y publiant deux essais[1].
Il fonda en 1984 (cf. le Discours préliminaire) la revue L’Encyclopédie des nuisances (15 fascicules publiés de 1984 à 1992, que l’on doit pouvoir encore se procurer à la librairie de Jacques Noël, Un Regard Moderne, rue Gît-le-Cœur à Paris), qui devait étendre son activité quelques années plus tard à l’édition et au commerce de livres.
L’Encyclopédie des nuisances (“EdN” pour les connaisseurs) s’est notamment associée de façon épisodique aux éditions Ivréa (qui reprennent le fonds Gérard Lebovici et Champ Libre) pour proposer des essais inédits de George Orwell (traduits par Semprun lui-même) dans une traduction de grande qualité dont une version anthologique en format poche à faire pâlir de honte Gallimard [2] et dans un objet dont Jean-Luc Porquet, dans son hommage à Jaime Semprun (Le Canard Enchaîné, 11 août 2010) dresse l’éloge : “Texte au cordeau, maquette impeccable, couverture d’une parfaite sobriété le tout imprimé dans l’une des dernières imprimeries en France utilisant encore linotype et caractères en plomb. [Il s’agit des presses typographiques de L’Haÿ-les-Roses, NdR – dont on peut alléguer que les éditions soient en partie sociétaires] De la belle ouvrage.”
Le projet éditorial de ce qu’Annie Le Brun appelait, non sans sarcasme, “la petite coterie de Jaime Semprun” est intransigeant ; il faut rappeler que le catalogue des livres est introduit par une définition de la lecture, et de ce que sont et ne sont pas des livres. D’ailleurs, c’est en son sein que se développa la critique la plus virulente d’un monde des livres cybernétisé, sous la plume acerbe de Jean-Marc Mandosio, avec la publication d’un brûlot contre la TGB, future BNF.
[1] La Guerre sociale au Portugal, Champ Libre, Paris, 1975.
Précis de récupération, illustré de nombreux exemples tirés de l’histoire récente, Champ Libre, 1976.
[2] Dont une version anthologique en format poche à faire pâlir de honte Gallimard : Dans le ventre de la Baleine et autres essais (1931 – 1943) et Tels étaient nos plaisirs et autres essais (1944 – 1949) parus en 2005.