Glasgow, 1969
Il y a quelque chose chez les musiciens écossais, de métaphysique, qui les fait surgir çà et là dans l’histoire du rhythm and blues, de la soul, et par extension du rock. Nous avions les surprenants Average White Band à la fin des années 1970, sous la houlette de Hamish Stuart et Alan Gorrie, dont j’ai juré il y a quelques années, n’ayant jamais vu leurs têtes, que cette musique était jouée par des noirs. Ils furent d’ailleurs parmi les rares artistes blancs européens à figurer dans la programmation de l’émission “Soul Train”, que nous voyons aujourd’hui rééditée en DVD, aux côtés de David Bowie.
S’il on remonte encore quelques années avant, il existe un autre cas stupéfiant (sans jeu de mot). C’est Stone the Crows. Mais Stone the Crows s’est vu trop vite affublé de la comparaison hâtive à Janis et son Big Brother (et plus tard ses autres backing bands : le Kozmic Band, puis l’ultime Full Tilt Band). Jugez vous-même, l’un des seuls – sinon le seul – billet en ligne sur Stone the Crow en français, s’intitule “STONE THE CROWS : clones de Janis Joplin ?”.
C’est une comparaison du même ordre qui a entraîné le manque de considération de Robin Trower – dont il va être question plus loin – en le ramenant à un émule un peu pâle de Jimi Hendrix.
Stone the Crows, c’est un groupe de la bonne vieille école du R&B du vieux continent, de la même futaie qu’un Led Zeppelin des débuts, quand le jeune Plant écumait les bars avec son harmonica. D’ailleurs, c’est Peter Grant, manager de Led Zeppelin qui leur donna ce nom, abasourdi par une de leur prestations scéniques au mythique club glaswegien Burns Howff (le groupe se nomme à l’époque “Power”), il s’exclama “Stone the Crows !”
Il est vrai que Stone the Crows a bien des points communs avec la formation de Janis Joplin, la comparaison peut néanmoins être délimitée. D’abord, ses musiciens sont pour la plupart des hybrides typiques du tournant musical 60/70, la jonction psychédélique entre soul et rock, ils ont baigné autant dans le vieux blues que dans la soul séminale tout en prenant acte de la pop. Ils sont aussi d’excellents vocalistes, habitués à jouer en formation élargie (donc à chanter fort, lorsque les cuivres s’y mettent). Le bassiste James Dewar, secondant Magie Bell au chant, est une des voix les plus extraordinaire du R&B européen, qui lui vaudra une place de chanteur/bassiste dans le trio de Robin Trower, où officia également Bill Lordan à la batterie, un autre blanc nègre, et ce pour une excellente raison : il venait de la Family Stone de Sly Stewart !
httpv://www.youtube.com/watch?v=yE7NtFgfYsE
Mais pourquoi une vie si courte pour ce groupe ? Le malheur, c’est la mort sur scène de Les Harvey, frère d’Alex Harvey, tous deux à l’origine de la formation (Alex partira avec son propre groupe, l’Alex Harvey Band), d’abord connue comme le Alex Harvey Soul Band (voilà qui annonçait la couleur). Le 2 mai 1972, lors d’une balance son, Les Harvey s’électrocute sur scène : il a touché en même temps, les mains humides, un microphone mal relié à la terre et les parties métalliques de sa guitare. Stone the Crows, ébranlé, ne se remettra jamais d’un tel choc. Ils offrirent néanmoins un job à Jimmy McCulloch, ce qui lui servit d’excellente carte de visite lorsque McCartney l’embaucha dans son projet post-Beatles, “The Wings”.
Quant à James Dewar, après avoir excellé au chant dans le Robin Trower Trio (les mémorables Daydream, Day of the Eagle, Bridge of Sighs), il meurt en 2002 d’un arrêt cardiaque consécutif à une erreur médicale commise en 1987, dans un quasi oubli : seule la presse écossaise a réellement relaté son décès.
Et comme le hasard fait bien les choses, après des années à chercher des extraits vidéo, je viens de trouver cette archive INA de 1973, qui fait apparaître le trio dans toute sa splendeur (Reg Isidore remplace Bill Lordan à la batterie).
Discographie
- Stone The Crows 1969
- Ode To John Law 1970
- Teenage Licks 1971
- Ontinuous Performance 1972