Tony Newton et la Motown Revue
Les années passent et, s’il on a fait sortir il y a une vingtaine d’années James Jamerson de l’ombre, ainsi que Bob Babbitt, les autres bassistes – leur rôle est central dans le “son” du snakepit – demeurent négligés, sinon oubliés. Certes, Wilton Felder est avant toute chose considéré pour et par sa virtuosité de saxophoniste et directeur musical des Crusaders. Il n’en demeure pas moins un excellent bassiste : outre ses lignes de basses occasionnelles pour Motown, il illumine le fameux live de 1972 de Grant Green, Live at the Lighthouse.
Passons donc à un autre bassiste quasi inconnu, mais dont le propre site internet nous permet de découvrir son rôle : Tony Newton.
C’est là une variante intéressante, puisque c’est souvent via leurs propres sites et communications, entrevues, que ces bassistes oubliés se constituent eux-mêmes en légendes vivantes (Carol Kaye, par exemple qui, en dépit de son talent, estime être l’auteur de lignes qui ne sont pas d’elle). Ainsi, Newton clame être le bassiste de Signed, Sealed, delivered I’m Yours de Stevie Wonder (dont il est admis que Bob Babbitt est le bassiste) ou encore I Want You Back (que l’on sait enregistré par Wilton Felder à Mo-West Los Angeles). Là, il est permis de faire la moue devant ce cirque qui pourrait paraître légitime quant on sait quelle frustration on accumule dans l’ombre des rois des charts.
Tony Newton, c’est un des élèves de James Jamerson (qui donc a pu s’abstraire de son influence ?), puisqu’il assure les apparitions télévisuelles et tournées quand Jamerson grave ses lignes dans l’acétate. On le retrouve sur la tournée de 1965 des Supremes, Smokey Robinson & The Miracles, bref : la grande années de la Motown Revue en Europe, qui leur permet de croiser, entre autres, les Beatles et les Rolling Stones.
Contrairement à Jamerson, qui à l’instar de Joe Osborn avait refusé d’adopter les cordes à filé rond et un son moderne, Tony Newton change avec la tendance funk-disco : on lui devrait, d’après ses propres dires, ce chef d’oeuvre qu’est la ligne basse qui soutient Don’t Leave Me This Way de Thelma Houston, en 1975. Or, d’après mes recherches, il est acquis que c’est bien Henry Davis qui a joué sur cet enregistrement.
Plus certainement, on le retrouvera dans les années 2000, en remplacement de Bob Babbitt sur les tournées des Funk Brothers reformés depuis le film de Paul Justman.
Pour finir, mentionnons un titre dont on peut être certain que Tony Newton le joue de façon majestueuse : ce I Wanna Be Where You Are offert aux Jacksons 5 par Leon Ware, avant qu’il ne le troque avec Marvin Gaye en 1976 (sur le fameux I Want You, qui éclipsa durablement le propre album de Ware, Musical Massage).