Hall & Oates : un son de batterie à 300$
“The cheaper, the better” (plus c’est bon marché, mieux c’est) est la devise qui pourrait grossièrement résumer cette anecdote de studio.
On remonte à 1975, lorsque Daryl Hall et John Oates, les deux prolifiques compositeurs pop du duo Hall & Oates, enregistrent sur le fameux “Silver Album” le titre Sara Smile. Ce quatrième album, contrairement à ceux qu’ils sèmeront par la suite, notamment au cours des années 1980, reste profondément ancré dans un esprit R&B soft, celui qu’on désigne, même si le terme est assez galvaudé, par Blue-eyed Soul.
C’est Barry Rudolph, ingénieur du son sur cette production, qui relate la façon dont la batterie a été enregistré sur ce titre. Un son dynamique, puissant, présent. Comment est-ce arrivé ?
Rudolph était fasciné par le son de batterie des albums d’Al Green et d’Ann Peebles. Dépouillé et à la fois présent, un son que l’on retrouve jusque sur Call Me en 1973. Il s’agissait donc de marquer un contraste par rapport à la tendance à la prise de son super haute fidélité en vogue au milieu des années 1970.
Dans cette production, impeccablement orchestrée, où toutes les parties instrumentales et vocales sont établies d’avance, avec des indications assez claires sur les moyens de capturer l’ambiance musicale, Rudolph proposa donc son concept : enregistrer la batterie d’Ed Green avec un kit de micros tout ce qu’il y a de plus “standard”, des Shure SM57. En clair, ces micros sont ceux que l’on trouve dans n’importe quel studio de répétition bon marché ou local de répétition amateur. Leur compression naturelle intrinsèque participait à ce rendu “acoustique” recherché, plein d’emphase sans sacrifier à la sur-production. Rudolph admet ne pas avoir utilisé de correction d’égaliseur ou de compression. À noter qu’Ed Green n’a pas enregistré la batterie en cabine (drum booth), mais en pièce ouverte, uniquement équipé de quelques panneaux en bois pour la réflexion du son et petit dôme parasol qui accentue le côté feutré de la frappe. Un son à 300$ qui ajourne tous les gourous de l’engineering et les collectionneurs de processeurs en racks.
Mes remerciements à “SlikkTim” Bécherand, qui, dans sa quête de la meilleure prise de son batterie pour ses Dopegems, m’a signalé cette anecdote.
Sources consultées :
Barry Rudolph, “Daryl Hall and John Oates And The $300 Drum Sound” <http://www.barryrudolph.com/stellar/300dollardrumsound.html>