Ernie Barnes
Le peintre Ernie Barnes (1938 – 2009) a illustré plusieurs albums emblématiques des années 1970. Ainsi, son Sugar Shack a marqué les esprits, en devenant l’illustration de pochette de l’album I Want You de Marvin Gaye, en 1976. Ce thème nous permet d’aborder une relation assez rare et singulière entre le monde des arts et le sport.
Un sportif visuel
Ernie Barnes était autant athlète qu’artiste visuel. Talent pluriel, il a joué de surcroît à haut niveau en intégrant de prestigieuses équipes de football américain (Baltimore, New York, San Diego, Denver… avant de mettre le cap sur le Canada pour achever sa carrière sportive).
Déségrégation et engagement artistique
Les prémices de son acculturation aux arts ne laissaient que peut de chances d’espérer son succès dans le domaine. En effet, à 18 ans, l’occasion lui est donnée de visiter, avec sa classe de lycée, le North Carolina Museum of Art de Raleigh. Ce dernier est alors en pleine “déségrégation”. Surpris, Barnes demanda où se trouvaient “les peintures d’artistes nègres”. Le doyen eut pour réponse, laconique : “Ce n’est pas de cette façon que s’exprime votre peuple”.
Or, ironiquement, “The Sugar Shack”, possédé par un couple de collectionneurs privés, Jeannine et Jim Epstein, a été prêté à ce même musée.
Il est pourtant engagé comme artiste officiel par les ligues sportives (la NFL, notamment). Son mentor Ed Wilson lui enseigna alors que l’artiste devait mettre sa vie dans son œuvre, à travers ses expériences, ses réalisations, ses coutumes.
Une œuvre symbolique : The Sugar Shack
Attardons-nous sur The Sugar Shack, que l’on peut traduire en français par l’expression “cabane à sucre”. L’œuvre picturale met en scène un bal noir qui a lieu dans une construction de bois. Cette toile a été créée par Barnes en 1971. En premier lieu, elle servit à illustrer la série TV Good Times avant de se retrouver en illustration du 33 tours de Marvin Gaye.
Cette peinture évoque les dancings africains-américains typiques du chitlin’ circuit (les bars malfamés réservés aux noirs, où les tripes de porcs frites étaient servies en quantité). Elle faisait références aux dancings où régnaient sensualité et moiteur. De plus, étant, interdits à Barnes, il n’en sont que davantage fascinants. Typique du Black Arts Movement, la composition de la toile fait volontairement appel à des couleurs vives. Par ailleurs, un certain maniérisme dans la représentation de la sensualité des corps vire presque à l’anamorphose corporelle (membres longs et élastiques, mouvements exagérés…).
Un étendard pour Motown
Finalement, pour honorer la commande de Marvin Gaye, Ernie Barnes ajouta des textes sur les banderoles faisant explicitement référence au musicien. Cela dit, l’œuvre originale incluait déjà une allusion à la station radio WMPG, située dans sa Caroline du Nord natale.
En 1985, pour célébrer l’anniversaire des 25 ans de la compagnie Motown, la peinture est mise en scène à travers une fascinante chorégraphie.
Enfin, les autres œuvres d’Ernie Barnes apparaissant en pochette de disques incluent, entre autres :
- Donald Byrd and 125th Street, NYC sur l’album éponyme (1979).
- Late Night DJ sur l’album de Curtis Mayfield Something to Believe In (1980).
- The Maestro sur l’album de The Crusaders Ghetto Blaster (1984).
- Head Over Heels de The Crusaders sur l’album The Good and Bad Times (1986).
Site de l’artiste (Ernie Barnes Family Trust) : https://www.erniebarnes.com/