Quand Carrousel tournait
L’histoire a souvent été répétée, quand on aborde le tournant des années 1980 pris par le maloya électrique. Il est vrai que Carrousel était une formation exclusive et inédite à La Réunion, par son désir d’innover et d’explorer. On a souvent, semble-t-il, cantonné le groupe à une version un peu essoufflée des Caméléons.
Un groupe à part entière
Après le départ d’Alain Péters aux balbutiements, la formation, sous la houlette de Loy Ehrlich, trouve ses membres permanents et son rythme de croisière. Dans un sens, on peut s’affliger que le titre de ce reportage diffusé le 30 novembre 1982 dans l’émission Bleu Outre-Mer (RFO) et archivé par l’INA en 2017, le résume à un groupe de rock (“le groupe rock Carrousel”). En effet, bien plus que du “rock tropical” (ce qui semble déjà un peu plus exact), Carrousel intégrait largement des influences très variées, du jazz de Coltrane aux Head Hunters électriques de Herbie Hancock, en passant par les grooves de Jaco Pastorius (Kiki n’a pas encore sa Jazz Bass favorite !), en passant par le blues, les musiques africaine, malgache, porto-ricaine mais aussi caribéenne…
On y voit le groupe Carrousel préparer une série de concerts, donc le théâtre en plein air (aujourd’hui “Teat Saint-Gilles”), mais aussi le stade de l’Est.
A l’époque, après 4 années d’existence, le groupe, issu partiellement du défunt “Caméléons” et des sessions au cinéma Le Royal à Saint-Joseph, se compose de :
La singularité d’un groupe réunionnais
Alors, prêtez une oreille et un œil attentifs à ce reportage. Entendez la qualité musicale, les prises de parole de Loy Ehrlich, Kiki Mariapin et Bigoun. Et dites-vous que c’est aussi un groupe de cette qualité que les spectateurs venus voir Téléphone au Stade de l’Est ont sifflé. La dure loi du “spectacle”. C’est qu’il a du en falloir du cœur au ventre pour, au-delà de l’insularité, communiquer sa musique, rassembler, persévérer.
C’est d’ailleurs une problématique qui reste d’actualité pour les artistes réunionnais : comment être accompagné pour faire connaître sa musique hors de l’île ? Comment se professionnaliser dans les limites de l’île ?
En outre, Loy Ehrlich soulève également la difficulté à faire entendre des musiques plus expérimentales et métissées à un public peu réceptif. Preuve probable d’une lassitude qui s’installe : c’est cette même année que Loy Ehrlich retourne en métropole pour s’orienter d’autres horizons musicaux (la musique sénégalaise de Touré Kounda, puis la pop française de Louis Bertignac et les Visiteurs).
Le morceau Na Voir Demain, composition acoustique de Loy Ehrlich sortie en face B de La rosée si feuilles songes en 1978 par la formation Caméléons, est réarrangée par Carrousel. Il est devenu emblématique de Carrousel.
Vers une reconnaissance renouvelée
Car, s’il est vrai que nombreux est le public à encenser à nouveau ces groupes et à percevoir cette époque musicale comme indépassable, ils n’en deviennent réellement mythique qu’après coup (cas classique, comme le Histoire de Melody Nelson de Gainsbourg, échec total à sa sortie).
Enfin, pour les grands curieux qui ne connaîtraient pas encore ce disque épuisé tant en vinyle qu’en sa réédition cd, il est disponible sur les grandes plateformes d’écoute en ligne (Spotify, Deezer).